Des événements que j’ai vécus, Bush Jr. et Bandar bin Sultan

En attendant que le rideau tombe sur cette pièce de théâtre stérile qui se joue entre le président américain sortant Donald Trump et le candidat Joe Biden, élu par les médias, dans l’attente de l’évolution de la situation, ma mémoire m’a ramené à une scène marquante que j’ai vécue alors que j’exerçais mes fonctions d’ambassadeur du Maroc au Koweït.

C’était en novembre 2000, lorsque j’accompagnais notre ministre des Affaires étrangères de l’époque, M. Mohamed Benaïssa, au siège du ministère des Affaires étrangères koweïtien pour rencontrer feu le Cheikh Sabah. Alors que nous étions dans la salle d’attente en compagnie d’un haut responsable koweïtien, l’un des membres du cabinet de M. Benaïssa nous rejoignit en courant, criant : “Monsieur le ministre, c’est bon, c’est bon, Bush a gagné… CNN vient de l’annoncer.”

Pour rappel, nous attendions à cette époque de connaître l’issue du débat en cours entre les candidats Al Gore et George W. Bush pour succéder au président Clinton, concernant le décompte des voix et leur recomptage en Floride, qui s’était finalement conclu en faveur de George W. Bush après l’intervention de la Cour suprême. Nous vivions alors la même attente que celle d’aujourd’hui, bien que la situation actuelle semble favoriser le candidat Biden comme vainqueur probable.

À cette époque, la plupart des diplomates arabes et des analystes avec lesquels j’échangeais des opinions sur ces élections n’avaient pas de préférence marquée pour l’un des candidats, contrairement à aujourd’hui. Mais M. Benaïssa, qui avait passé près de huit ans à Washington en tant qu’ambassadeur de Sa Majesté avant d’être nommé ministre des Affaires étrangères, avait un avis clair et tranché. Il fut submergé de joie à l’annonce de cette nouvelle tant attendue, et dit au responsable koweïtien qui nous accompagnait : “D’après les informations qu’il avait acquises à Washington, la résolution de nos problèmes en tant qu’Arabes devenait à notre portée”, prédisant que la Maison-Blanche serait désormais dirigée depuis la résidence de l’ambassadeur saoudien Bandar Ben Sultan à Washington, compte tenu de la relation spéciale et très étroite qui liait ce dernier à George W. Bush et à la famille Bush en général.

J’ai conclu de son commentaire que le dossier du Moyen-Orient, et notamment celui de la Palestine, deviendrait une priorité pour la Maison-Blanche, et que le Maroc jouerait un rôle significatif dans ce processus en raison de la relation privilégiée entre notre ministre des Affaires étrangères, M. Benaïssa, et le prince Bandar Ben Sultan, selon ce qui se disait à l’époque.

En relatant cet événement tel que je l’ai vécu, je préfère laisser aux chers lecteurs le soin de commenter et d’évaluer ce qui est advenu au Moyen-Orient pendant les huit années que George W. Bush a passées à la Maison-Blanche, qu’il s’agisse de l’invasion et de la destruction de l’Irak en 2003 en dehors du droit international ou d’autres politiques injustes à l’égard du peuple palestinien.

Driss Kettani, ancien ambassadeur