La loi sur commande

Tout le monde sait que la loi marocaine interdit la consommation d’alcool par les citoyens marocains musulmans dans notre cher pays. Et tout le monde sait et voit, en particulier les autorités, que les acheteurs dans les points de vente autorisés par eux sont majoritairement des Marocains musulmans, et personne ne bouge pour appliquer la loi. La même chose s’applique à l’avortement : tout le monde sait que des centaines d’avortements sont pratiqués quotidiennement dans des cliniques connues des autorités, mais là encore, personne ne fait rien, comme si de rien n’était… sauf si… et ceux qui comprennent comprendront… L’affaire de la jeune Hajar Raissouni est encore dans l’esprit de tous ceux qui ont suivi ses péripéties hitchcockiennes.

Il en va de même pour les affaires de Taoufik Bouachrine, de la bise entre Boukbir et Jamai, Benchemsi, Mahdaoui, et après lui, Souleiman Raissouni, parmi d’autres.

C’est comme si la loi dans notre pays n’était pas faite pour être appliquée de manière égale à tous, mais plutôt pour être utilisée comme un outil de répression contre des individus spécifiques dont les opinions dérangent les autorités.

Si le ministère public voulait appliquer les dispositions légales relatives, par exemple, aux relations sexuelles interdites, des dizaines, voire des centaines de hauts responsables, de ministres, de directeurs et de présidents d’institutions publiques, seraient aujourd’hui derrière les barreaux, car les relations qu’ils entretiennent avec leurs secrétaires, par exemple, sont plus qu’intimes et connues de tous, au point que certaines de ces assistantes sont devenues les véritables décisionnaires dans ces institutions.

Supposons que M. Bouachrine ait eu des relations sexuelles avec un certain nombre de femmes travaillant sous ses ordres, et que le ministère public ait pu le prouver, ce qui n’a pas été fait avec des preuves concluantes, est-il logique qu’il soit condamné à quinze ans de prison ?

C’est comme si des mains invisibles déterminaient à l’avance le niveau des sanctions à appliquer, puis les parties concernées s’efforcent de trouver des « justifications » sur mesure qui correspondent à ces niveaux de sanctions prédéterminés, telles que « la traite des êtres humains » ou « l’introduction d’un char dans le territoire national », etc.

Je reste ébahi par la capacité de ces parties à trouver les justifications légales nécessaires pour fabriquer des accusations quand cela est nécessaire, au point qu’elles ont pu juger plus de mille personnes après les événements de Casablanca en 2003, comme si la gestion et la réalisation de ces attaques avaient nécessité la participation de toutes ces personnes. Selon les informations diffusées à l’échelle mondiale, il n’est jamais arrivé que plus de mille personnes soient arrêtées après un événement terroriste, aussi grand soit-il. Cela n’a même pas eu lieu dans l’Égypte de Sissi. Combien d’événements plus graves se sont produits dans différentes parties du monde, et le nombre de personnes accusées n’a jamais dépassé la vingtaine dans les cas extrêmes.

Gloire à Dieu, celui qui a dit que nous vivions dans un pays des contradictions avait raison, un pays sans égal, où les hommes libres ont pu défendre la liberté de leur pays pendant plus de douze siècles, mais où il est interdit à ces mêmes hommes libres d’exprimer leur opinion lorsqu’elle ne correspond pas à celle de leurs dirigeants…

Ancien ambassadeur

Journal Akhbar Al-Youm : numéro 3410