Lorsque Hassan II a parlé de sa propre mort.

Journal Akhbar Al Yaoum : Numéro 3342

Quelques jours après la mort de feu Hassan II, décédé le vendredi 23 juillet 1999, et juste après mon retour de vacances à Koweït où j’étais ambassadeur, j’ai reçu la visite d’un journaliste koweïtien éminent à mon domicile. Ce journaliste avait des relations avec le palais royal dont je n’étais pas au courant. Après m’avoir présenté ses condoléances, il m’a dit : « Monsieur l’Ambassadeur, je suis venu vous informer de quelque chose de curieux que j’ai du mal à croire. »

Il a expliqué qu’il avait été invité par Sa Majesté le Roi à assister à son 60e anniversaire, le 10 juillet 1989. Lors de ces occasions, il était de coutume pour lui de divertir Sa Majesté avec une nouvelle blague qu’il n’avait jamais entendue. Lorsqu’il a commencé à raconter la blague préparée pour l’occasion, il a utilisé l’expression « Ya Tawiil el-‘Omr » (Que vous viviez longtemps), une formule de courtoisie couramment utilisée dans le Golfe. À sa grande surprise, le Roi l’a interrompu brusquement, d’une manière qu’il n’avait jamais vue auparavant, surtout dans un contexte de divertissement. Le Roi lui a dit : « Écoute, frère Ahmed, cette expression “Ya Tawiil el-‘Omr”, tu peux la dire chez eux (faisant référence aux dirigeants du Golfe), mais ici, nous disons autre chose. »

Le journaliste n’a pas compris cette remarque et, face à sa perplexité, le Roi a expliqué : « Quand je suis entré dans cette salle, qu’as-tu entendu les serviteurs du palais dire à haute voix ? Ils répétaient “Allah ybarek fi ‘Omr Sidi” (Que Dieu bénisse la vie de mon Seigneur). Nous ne demandons pas une longue vie ici, mais plutôt une vie bénie. » Le Roi s’est alors arrêté un moment avant de dire : « Moi, par exemple, si Dieu me donne dix bonnes années de plus, ce serait bien et béni, mais qu’est-ce que ça signifie de vivre longtemps dans des conditions de santé déplorables, avec tout le monde attendant ma mort ? » C’était comme s’il faisait référence à la situation de certains dirigeants de la monarchie saoudienne à l’époque.

Après cette remarque, le Roi s’est retiré, sans laisser au journaliste l’occasion de lui raconter la blague qu’il avait préparée. Le journaliste m’a dit que lorsqu’il a entendu parler de la mort du Roi la semaine dernière, il a été choqué par la nouvelle douloureuse, mais il s’est ensuite rappelé les paroles du Roi sur la vie longue et bénie. Il a été encore plus surpris lorsqu’il s’est rendu compte que le Roi était décédé exactement dix ans après avoir exprimé ce souhait, dans le même mois. Il a eu l’impression que le Roi avait une certaine prémonition concernant sa santé.

Je lui ai alors partagé des informations selon lesquelles le Roi avait informé des politiciens marocains et étrangers en 1995 qu’il était proche de la fin de sa vie. Il aurait dit aux partis d’opposition que la période maximale qu’il lui restait était de cinq ans, leur proposant de gérer une période de transition à travers un gouvernement de coalition. Cela a conduit à la formation du gouvernement dirigé par Abderrahmane Youssoufi. Mais l’un des principaux opposants du Roi, feu le Cheikh El-Basri, n’a pas accepté cette transition, convaincu qu’il s’agissait d’une manœuvre pour impliquer l’opposition dans le système du Roi. Cependant, il a fini par admettre, avec les autres sceptiques, que Hassan II était sincère lorsqu’il parlait des cinq années restantes de sa vie.

Hassan II a préparé avec soin les conditions de la transition du pouvoir avant sa mort. Pour convaincre certains membres de l’opposition qui doutaient encore, il a annoncé sa maladie aux Marocains en leur disant clairement que le pays était menacé d’un « arrêt cardiaque ». La plupart ont mal compris cette déclaration, pensant qu’il faisait référence aux difficultés économiques du Maroc à l’époque. Cependant, s’ils avaient voulu vérifier la véracité de ses paroles, ils auraient pu prêter attention à la fin de vie du Roi, qui est survenue à l’Hôpital national des maladies cardiaques et vasculaires, une institution qu’il avait fondée et qui était sous la direction du professeur Mohamed Benomar, l’un de ses médecins qui l’avait accompagné pendant près de trente ans.