La chanson qui a ramené Mahmoud El Idrissi au palais

Cela s’est passé au début de l’année 1973. Le défunt Mahmoud El Idrissi, cet homme au grand cœur, distingué par sa noble éthique, son humilité, son amour pour les gens et pour la patrie avant même ses capacités artistiques, raconte : « J’étais très jeune quand j’ai été introduit au palais royal, dit-il, que Dieu ait son âme. Je n’étais pas au fait des protocoles du palais ni des traditions de la cour royale. Un jour, alors que j’étais en présence de Sa Majesté, dans une ambiance détendue, j’ai involontairement mis ma main dans ma poche, ignorant que cela était strictement interdit à l’intérieur du palais. Je me suis alors retrouvé persona non grata, et je n’étais plus aussi bienvenu pour assister aux fêtes et aux séances musicales qui étaient fréquemment organisées au palais royal à cette époque. »

Il me racontait cette histoire à ma résidence au Koweït, alors que j’exerçais mes fonctions d’ambassadeur du Maroc dans ce pays frère. Il était très angoissé par cet incident qui aurait pu freiner ses ambitions sociales avant même ses aspirations artistiques. « Entrer au palais à l’âge de vingt ans à peine relevait pour moi du miracle, mais Dieu est grand, et Il a mis sur mon chemin, sans que je le sache, quelqu’un qui m’a sauvé de ce pétrin. Le salut est venu de la part d’un homme à qui je resterai redevable toute ma vie, que Dieu lui accorde longue vie (cet entretien a eu lieu en 1998). C’est le grand créateur et compositeur, M. Bennabdesselam, qui m’a pris par la main et m’a dit en substance : “Tu retourneras bientôt au palais, si Dieu le veut”. Il m’a alors montré le projet d’une chanson patriotique qu’il était en train de composer et qu’il était sûr que, dès que Sa Majesté l’entendrait, il me rappellerait et me demanderait de la chanter à plusieurs reprises, et c’est ce qui s’est passé. »

Après avoir enregistré cette chanson qui commence par un “Mawal” (une forme musicale traditionnelle) tiré du patrimoine marocain authentique, une tournée a été organisée dans la plupart des villes marocaines. La radio nationale, en annonçant ces concerts organisés dans le cadre des préparatifs pour la fête du Trône, diffusait ce “Mawal” en introduction à l’annonce des concerts.

Ainsi, raconte El Idrissi, le miracle a eu lieu : « Nous étions à Oujda pour animer l’un de ces concerts avec la grande chanteuse Naïma Samih, lorsqu’un appel téléphonique du palais royal est arrivé, me demandant de me présenter à 18h00 pour répéter ma nouvelle chanson avec l’orchestre de la garde royale, afin de l’interpréter le soir même devant Sa Majesté. »

Il m’a raconté, que Dieu ait son âme, les difficultés qu’il a rencontrées pour se rendre à Rabat depuis Oujda, en compagnie du créateur Bennabdesselam, au point qu’ils sont arrivés très en retard par rapport à l’heure prévue. Malgré cela, et bien qu’ils n’aient pas eu l’occasion de répéter avec l’orchestre royal, Sa Majesté, que Dieu ait son âme, a tenu à écouter la chanson via une bande préenregistrée, et Mahmoud El Idrissi l’a interprétée plusieurs fois devant lui par la suite. Le peuple marocain l’a également chantée avec enthousiasme, surtout lorsqu’il clamait son amour pour la patrie chérie, en entonnant avec sa voix puissante : “Vivez, ô mon pays, vivez, ô mère généreuse, abondante de bien et de bonté”.