
Al-Kettani : Mon accueil de l’équipe nationale chez moi en Tunisie en 1977
– Que s’est-il donc passé lors de ce match amical entre le Maroc et la Tunisie à la fin de l’année 1975 ?
– L’équipe nationale a remporté la victoire par un but à zéro, mais ce n’est pas cela l’essentiel de cette histoire. Ce qui est important, c’est ce que j’ai vu après le premier but. L’entraîneur de l’équipe, “Máradiscu” (de Roumanie), s’est tourné vers les gradins et a regardé Belmajdoob. J’ai vu de mes propres yeux ce dernier lui faire signe de se contenter de ce score. L’équipe nationale a ensuite commencé à échanger de courtes passes au milieu du terrain de manière très habile, comme si elle s’y était entraînée, jusqu’à la fin du match. En quittant le stade, Belmajdoob m’a dit : « Qu’est-ce que je t’avais dit ? » Feu Belmajdoob dirigeait l’équipe nationale selon une logique d’entraînement militaire (commando). Pour information, cette équipe marocaine remportera la Coupe d’Afrique l’année suivante en Éthiopie.
– Cependant, l’équipe marocaine a perdu un match crucial contre l’équipe tunisienne 2-0 lors des qualifications pour la Coupe du Monde de 1978 en Argentine. Étiez-vous présent à ce match ?
– Oui, et j’étais également présent lors du match retour qui a permis à la Tunisie de se qualifier pour la Coupe du Monde en Argentine en 1978, alors que je travaillais toujours en Tunisie. Je suis allé à l’aéroport pour accueillir le colonel Belmajdoob, mais j’ai été surpris par son absence, et c’est feu Othman Slimani qui était là à sa place, un ami proche à moi qui travaillait à l’époque comme secrétaire général du Ministère des Finances. Je l’ai accompagné, ainsi que l’équipe, à l’hôtel “Abounawas”. Il m’a chargé de procurer quelques produits essentiels pour l’alimentation des membres de l’équipe, notamment du lait, qui était presque introuvable. Le jour du match, le désastre est arrivé : l’équipe nationale a été éliminée aux tirs au but après avoir fait match nul à l’aller comme au retour. Je me souviens encore du dernier tir au but manqué par le joueur Faras, bien qu’il l’ait tiré avec précision, mais le gardien tunisien Attouga l’a arrêté avec une grande habileté. Après le match, j’ai accueilli l’équipe et l’encadrement pour un dîner chez moi, en présence de l’ambassadeur du Maroc, feu Mohamed Tazi. Ce soir-là, le gardien Biaz a annoncé son intention de prendre sa retraite internationale, une décision que d’autres joueurs ont également exprimée. J’ai compris qu’il s’était passé quelque chose d’anormal dont ils ne pouvaient pas parler en présence des responsables de la Fédération. Mais le destin a voulu que je découvre la raison quelques mois après cette défaite. Le président de la Fédération tunisienne, M. Slim Aloulou, m’a invité à un déjeuner organisé en l’honneur d’un responsable marocain de la Fédération de football venu du Caire. Nous étions à table, et nous avons découvert que ce responsable marocain était Abdellatif Semlali. Cela s’est passé à la fin de l’année 1977, alors qu’il n’était pas encore ministre. Le responsable tunisien a dit à feu Semlali, en ma présence : « Lorsque nous sommes allés à l’aéroport pour accueillir votre équipe pour ce match décisif, nous avons remarqué que vous aviez laissé votre meilleur joueur au Maroc. C’est à ce moment-là que nous avons su que nous allions gagner. » M. Semlali a été surpris, car l’équipe était au complet, et il lui a demandé de qui il parlait. M. Aloulou a répondu : « Le colonel Belmajdoob. » Cette remarque a clairement surpris M. Semlali, surtout quand M. Aloulou a continué en disant : « C’est le maestro qui dirige le match sans bouger de sa place, et les joueurs lui obéissent avec respect et aisance. Son absence a été une chance pour nous. » Il a ajouté en plaisantant : « Merci beaucoup pour ce cadeau. »
– Pourquoi Belmajdoob a-t-il été écarté à cette époque ?
– Je ne connais pas exactement la raison. Quand je suis rentré au Maroc, j’ai gardé contact avec lui, mais il refusait d’aborder ce sujet.
Journal “Akhbar Al-Youm”, lundi 9 juillet 2018