
Al-Kettani : Hassan II a choisi Faria
Idriss Al-Kettani, ambassadeur et conseiller économique au Brésil au début des années 1980, révèle pour la première fois à Akhbar Al-Youm des détails fascinants sur la mission que lui a confiée Hassan II pour trouver un entraîneur brésilien pour l’équipe nationale marocaine de football, ainsi que les complications qui ont accompagné cette tâche.
– Quelle a été votre première impression de Faria ?
– Il m’est apparu comme un homme simple, vêtu de manière modeste, avec une petite sacoche en cuir usée. Il portait un polo qui ne couvrait pas complètement son ventre légèrement rond, et il ne donnait pas l’impression d’être cet entraîneur méconnu qui réalisait tous ces succès. J’ai eu du mal à communiquer avec lui, car il ne parlait que portugais, une langue que je commençais seulement à comprendre un peu. J’ai fait appel à ma secrétaire pour la traduction, afin de lui expliquer que Sa Majesté le Roi du Maroc cherchait un entraîneur brésilien pour l’équipe des FAR, et que cette demande faisait suite au succès remarquable de Jaime Valente, alors en poste au Maroc avec l’équipe nationale. Faria m’a alors surpris en disant : « Je connais bien M. Valente, car il était mon adjoint au Qatar lorsque j’entraînais l’équipe nationale de jeunes. » Cette équipe, comme je l’avais mentionné, avait atteint la finale de la Coupe du Monde des jeunes. Cette information m’a étonné, car je ne me souvenais pas de ce détail dans le CV de Valente. J’ai compris alors qu’ils se complétaient : le manque apparent de formation théorique chez Faria était compensé par la culture universitaire et les idées novatrices de Valente, tandis que ce dernier tirait profit de l’expérience pratique et des compétences relationnelles de Faria pour comprendre les mentalités variées de ses joueurs, notamment les jeunes et les amateurs.
– Avez-vous pu parvenir à un accord avec lui ?
– Je lui ai demandé son CV, et il m’a répondu : « Je n’ai pas de CV écrit. » Il s’est alors levé, a sorti de sa sacoche une pile de documents et les a posés sur mon bureau en disant : « Voici mes réalisations. » Il s’agissait de coupures de presse relatant les titres qu’il avait remportés, que ce soit avec l’équipe de Fluminense ou avec les jeunes du Qatar. Je garde encore ces coupures.
– Qu’avez-vous fait ensuite ?
– M. Semlali m’a recontacté, m’encourageant à envoyer le troisième nom pour compléter la liste. J’ai alors proposé le nom de Faria, en précisant que je rédigerais moi-même son CV à partir des informations disponibles dans les articles de presse. Dans ce CV, j’ai souligné qu’il était spécialisé dans l’entraînement des jeunes et des amateurs, et qu’il était réputé pour gagner la plupart des matchs qu’il dirigeait, en mentionnant les titres qu’il avait remportés avec ces catégories, tant au Brésil qu’au Qatar, sans mentionner aucun diplôme ou formation théorique en entraînement. J’ai envoyé ce CV par fax.
– Aviez-vous donc complété la liste des candidats uniquement pour la forme ?
– Presque, car son parcours axé sur les jeunes et les amateurs semblait éloigné des exigences pour entraîner une équipe militaire comme les FAR. De plus, son manque de diplômes en entraînement ne jouait pas en sa faveur. Je ne m’attendais pas à ce que Hassan II le choisisse par rapport aux autres candidats, qui semblaient mieux correspondre au poste. Mais le contraire s’est produit : M. Semlali m’a appelé et m’a dit en français : « Catastrophe ! », ajoutant : « Sa Majesté le Roi a choisi le troisième nom que nous avions ajouté pour compléter la liste. Il ne vous reste plus qu’à le convaincre de venir au Maroc au plus vite. »
– Comment avez-vous réagi ?
– J’ai été surpris par ce choix au premier abord, mais après réflexion, j’ai essayé de comprendre les raisons derrière cette décision inattendue de la part du roi. Peut-être que ma façon de rédiger le CV de Faria avait mis en avant des aspects que Sa Majesté recherchait, comme ses victoires répétées, sa compréhension de la mentalité des jeunes amateurs, et son succès en atteignant la finale de la Coupe du Monde des jeunes. Ces éléments ont peut-être compensé l’absence de diplômes d’entraînement. Face à ce choix royal, je me suis retrouvé obligé de tout faire pour le convaincre de se rendre au Maroc, car il aurait été inacceptable de proposer un entraîneur que je n’aurais pas réussi à faire venir.
Journal “Akhbar Al-Youm”, vendredi 27 juillet 2018