Ainsi s’est déroulée ma participation à la marche du 20 février 2011

Traduction d’un article publié en arabe dans le journal Akhbar Al Youm (3340 /2018)

L’un des hauts fonctionnaires de l’État que je connais bien et avec qui j’ai un lien familial m’a ainsi interpellé : « Comment peux-tu, en tant qu’ancien ambassadeur de Sa Majesté le Roi, participer à cette marche révolutionnaire du 20 février ? Si je ne te connaissais pas depuis plus de trente ans, je t’aurais classé parmi les principaux opposants au régime, d’autant plus que tu étais, selon mes informations, le seul ambassadeur à avoir participé à cette manifestation. »

Je lui ai raconté comment j’avais pris part à cette marche historique prometteuse : « Ce jour-là, qui était un jour férié, j’étais assis avec les membres de ma famille en train de prendre le thé. Soudain, j’ai eu l’idée d’aller au centre-ville de Rabat pour voir ce qui se passait dans ces manifestations dont tout le monde parlait, et pour observer de plus près ce que ces manifestants revendiquaient, leur nombre, ainsi que leurs affiliations intellectuelles et sociales. C’est dans ma nature, je veux me rendre compte par moi-même, autant que possible, de ce qui se passe, et ne pas me contenter de ce qu’on me rapporte.

J’ai vu des jeunes dans la fleur de l’âge, des personnes de tous âges et de tous milieux sociaux, crier leur rejet de l’injustice et de la corruption, s’insurger contre le népotisme, la cupidité autoritaire, la collusion entre l’argent et le pouvoir, demandant la justice sociale et la fin de l’économie de rente, dans le cadre d’un État de droit.

Alors que je lisais les pancartes et écoutais les slogans, je n’ai trouvé personne appelant à un changement de régime, comme c’était le cas en Tunisie, en Égypte et dans d’autres pays arabes. Il n’y avait que des manifestants demandant des droits et de la justice sociale.

De ce fait, je me suis retrouvé spontanément parmi eux, répétant leurs slogans, soutenant leurs revendications, que j’ai d’ailleurs passé ma vie à essayer d’obtenir de l’intérieur des rouages de l’État, sans résultats significatifs.

À la fin de mes propos, j’ai ajouté à mon interlocuteur : « Et vous, qui êtes un haut fonctionnaire de l’État, si vous rencontrez un groupe de citoyens qui revendiquent plus de justice et luttent contre la corruption, allez-vous rester à l’écart ou les rejoindre et les soutenir dans leurs revendications ? » D’ailleurs, de telles revendications ne sont-elles pas officiellement inscrites dans les programmes de nos gouvernements ?

Le silence de mon ami s’est prolongé au point que j’avais l’impression de l’entendre s’exclamer avec force : « Assez de corruption, assez de deux poids, deux mesures, assez de fonctionner avec les vieilles traditions du Makhzen, au lieu de respecter les lois et de les appliquer de manière uniforme entre les citoyens. »

Je pense que le Mouvement du 20 février a été un mouvement béni qui a sans doute constitué un tournant positif dans l’histoire contemporaine de notre pays. Ce sont ces manifestations pacifiques qui ont provoqué d’importants amendements constitutionnels, malgré leurs lacunes, et qui ont permis des élections libres, les premières dans l’histoire moderne du Maroc à avoir abouti à la sélection par la population de leurs représentants, sans ingérence ni implication de l’autorité, même si ce choix ne correspond pas aux vœux de nombreuses élites ayant l’habitude de gérer les affaires publiques. Mais tel est le prix de la liberté de choix.

Driss Kettani

NB : Désolé pour cette traduction qui reste approximative de mon texte rédigé et publié en arabe.