
Al-Kettani : Les circonstances difficiles vécues par le Maroc au début des années 80 ont impacté ma mission
Idriss Al-Kettani, ambassadeur et conseiller économique au Brésil au début des années 1980, révèle pour la première fois à Akhbar Al-Youm des détails fascinants sur la mission que lui a confiée Hassan II pour trouver un entraîneur brésilien pour l’équipe nationale marocaine de football, ainsi que les complications qui ont accompagné cette tâche.
– Lorsque vous avez appris que le médecin de Faria lui interdisait de voyager, comment avez-vous surmonté cet obstacle, sachant que son médecin lui interdisait de prendre un vol long-courrier ?
– J’ai ressenti que j’étais dans une situation difficile dont il serait compliqué de sortir. M. Faria est venu cette fois-ci à mon bureau de son plein gré, apportant son dossier médical pour prouver la véracité de ses dires. Son excuse était légitime cette fois-ci, et c’était probablement la véritable raison pour laquelle il préférait rester au Brésil, plutôt que son engagement avec une équipe brésilienne. Cependant, je n’étais pas prêt à accepter cette réalité, malgré sa difficulté, car depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours refusé de céder devant les obstacles. J’ai donc décidé de tenter une dernière tentative, bien que celle-ci semblait vouée à l’échec. J’ai demandé à ma secrétaire, en français pour que Faria ne comprenne pas, de contacter le médecin qui le soignait. En regardant le dossier médical, elle a trouvé son nom et son adresse, et elle m’a dit qu’il s’agissait d’un médecin réputé à Rio. Je lui ai demandé de l’appeler et de l’informer que M. Faria avait reçu une invitation de Sa Majesté le Roi du Maroc, et de le persuader de permettre à Faria de voyager, ne serait-ce que de manière exceptionnelle, par respect pour cette invitation royale.
– A-t-elle réussi à convaincre le médecin de permettre à Faria de voyager au Maroc ?
– Je ne sais pas comment elle a réussi à le convaincre, mais l’important est que cette tentative, malgré ses faibles chances de succès, a porté ses fruits. Le médecin a finalement accepté notre demande. M. Faria, qui était assis dans mon bureau, n’a pas remarqué que ma secrétaire parlait à son médecin jusqu’à ce qu’elle l’appelle et lui tende le téléphone. Le médecin l’a informé qu’il l’autorisait à effectuer ce voyage, après lui avoir donné les conseils nécessaires pour de telles situations. Malgré l’approbation du médecin, nous n’avons pu voyager au Maroc que plusieurs semaines plus tard.
– Pourquoi cela a-t-il pris autant de temps ?
– Pendant cette période où je déployais tous mes efforts pour amener M. Faria au Maroc, des événements graves et imprévus se sont produits. Comme je l’avais déjà mentionné, je savais que l’ambassadeur ne me permettrait pas de voyager, et j’avais écrit au ministère des Affaires étrangères pour l’informer que j’étais obligé d’accompagner M. Faria, le candidat au poste d’entraîneur de l’équipe des FAR, à la demande du roi. J’ai attendu plusieurs jours sans recevoir de réponse, comme je m’y attendais. Aujourd’hui, je possède un document sur lequel le secrétaire général de ce ministère a écrit de sa main cette phrase : « Depuis quand le football et le sport relèvent-ils des compétences des conseillers économiques ? » Il me tenait donc responsable d’une décision royale dont je n’étais pas à l’origine, comme s’il me disait : « Vous n’auriez pas dû accomplir une mission qui ne relève pas de vos compétences, même si vous en aviez été chargé directement par le roi. » Quant à l’ambassadeur, que Dieu lui pardonne, il m’avait dit la même chose très clairement lors de notre première rencontre à Brasilia, comme je l’avais déjà mentionné.
– Comment expliquez-vous cette position qui va à l’encontre des instructions de Hassan II ?
– Je ne vais pas vous révéler tout ce que m’a dit l’ambassadeur pour me dissuader de réaliser ce que le roi m’avait demandé. Je pense que l’année 1983 a été l’une des plus difficiles sous le règne de Hassan II. Le climat y était extrêmement tendu, tant sur le plan politique qu’économique. Cette année-là, le Maroc a été contraint d’accepter toutes les conditions imposées par le Fonds monétaire international après que nos réserves de devises se sont effondrées, ne couvrant plus que quelques jours de nos importations. Le Maroc est devenu l’un des pays rejetés par les banques internationales et les institutions financières mondiales. Sur le plan politique, cette année a failli enregistrer un coup d’État militaire visant à renverser le régime de Hassan II, orchestré par le général Dlimi, qui trouvera la mort dans un « accident de voiture » à Marrakech. Je me demande donc : « Est-ce que certains hauts responsables de l’époque ont commencé à manifester leur rébellion contre le régime de Hassan II avant l’heure ? » C’est une question légitime que j’ai vécue et pour laquelle j’ai documenté des informations supplémentaires reçues de diverses sources confirmant cette hypothèse. Malheureusement, j’ai été chargé d’une mission qui ne relevait pas de mes compétences cette année-là, dans ce climat électrique, ce qui a eu un impact négatif sur ma carrière administrative, mais cela ne m’a pas empêché de mener à bien cette mission sportive avec succès.
Journal “Akhbar Al-Youm”, jeudi 2 août 2018