Hassan II et le Riyal.

Le regretté général Abdelhak Kadiri, peu avant son décès, m’a raconté une anecdote amusante qu’il avait vécue avec Sa Majesté le Roi Hassan II, que Dieu ait son âme, et il m’a donné la permission de la publier :

Le général raconte : « Cela s’est passé au début des années 1970. Après notre retour à Agadir, à l’issue d’un long et éprouvant périple dans le sud du royaume, feu Sa Majesté le Roi Hassan II m’a chargé de distribuer des primes aux personnes qui l’avaient accompagné lors de cette visite bénie, notamment les gardes, les agents de sécurité, les autorités locales, la gendarmerie et les responsables administratifs et militaires. C’était une tradition à laquelle le roi s’astreignait lors de tous ses déplacements, à l’intérieur comme à l’extérieur du royaume. Il m’a remis des listes avec les noms des bénéficiaires, chacun recevant un montant précis, ainsi qu’une mallette contenant la somme totale nécessaire pour couvrir ces primes, comme on les appelle dans le cercle royal.

De retour à l’hôtel, je me suis mis à préparer les enveloppes en suivant les listes. Mais au final, je me suis rendu compte qu’il manquait de l’argent, ce qui ferait que certains des bénéficiaires ne recevraient pas leurs enveloppes habituelles, et ils risquaient de protester d’une manière ou d’une autre. J’étais donc contraint d’en informer Sa Majesté et de lui faire part du montant manquant. Le roi fut surpris par cette situation, car, selon ses dires, c’était lui-même qui avait préparé les listes et calculé la somme totale.

Cependant, après avoir vérifié les chiffres que je lui avais présentés, il prit un moment de réflexion, puis me demanda : “Combien avez-vous dit que c’était exactement ?” J’ai répondu : “Tel montant en dirhams.” Il sourit alors et dit en substance : “Combien ça fait en rial ? Peut-être que l’erreur vient de là, car moi, je compte en rial et vous comptez en dirhams.”

Je fis alors ce commentaire au général : “C’est là une autre des singularités marocaines qui caractérisaient cet homme jusqu’au bout, que Dieu lui pardonne et l’accueille en son paradis.”

Le général Kadiri, que Dieu ait son âme, était l’une des personnes les plus proches du Roi Hassan II, étant considéré comme la deuxième personnalité du royaume après le roi lui-même.

Lorsqu’il fut admis à l’aile de cardiologie de l’hôpital Ibn Sina à Rabat, la même aile où le roi Hassan II décéderait plus tard, Sa Majesté appelait quotidiennement, à la même heure, le professeur Mohamed Benomar pour s’enquérir de l’état de santé du général, suivant de très près les étapes de son traitement, qui durèrent plusieurs semaines. Ce qui est étrange, me confia le professeur Benomar, que Dieu lui accorde une longue vie, c’est qu’il se rendait tous les soirs au palais royal dans le cadre de son travail en tant que cardiologue personnel du roi, et que Sa Majesté aurait pu lui demander des nouvelles du général directement sans avoir besoin de ces appels quotidiens à heure fixe, soit à 18 heures précises.

C’était là un autre aspect lumineux et remarquable des qualités du défunt roi, ajouta le professeur Benomar, que peu de gens connaissent, et qui montre son attention extrême et son grand soin envers ses proches collaborateurs.

Je pourrais publier plus tard d’autres témoignages précieux recueillis de ceux qui les ont vécus personnellement avec Sa Majesté. »

Idriss Ghali El Kettani
Ancien ambassadeur