Les élections du 8 septembre 2021.

Ils ont payé le prix de leur choix irresponsable de se jeter dans les bras du pouvoir, plutôt que de rester fidèles à ceux qui les avaient portés jusqu’à ce pouvoir.

De graves erreurs ont été commises par la direction du Parti de la justice et du développement (PJD). Je suis presque sûr que l’une des plus grandes, sinon la plus importante, est leur position immorale envers la cause palestinienne, qui a détruit ce qui restait de leur crédibilité aux yeux et dans les cœurs des électeurs, y compris un grand nombre de leurs partisans et même ceux qui soutenaient ce compromis détestable, quelle qu’en soit la pertinence.

Depuis l’annonce des résultats des élections du 8 septembre 2021, les analystes, qu’ils soient marocains ou étrangers, se sont interrogés et ont cherché les raisons de cette chute retentissante, sans précédent dans l’histoire des élections au Maroc, d’un parti à référentiel islamique qui était le seul à être parvenu au gouvernement par une volonté populaire, en dehors des pratiques de fraude habituelles.

Bien sûr, il y a les explications générales, telles que la longue durée passée au pouvoir, bien que cet argument soit relatif, car il existe des exemples, même de nos jours, qui contredisent cette explication.

Il y a aussi l’échec du parti à tenir ses promesses électorales, en particulier en matière de lutte contre la corruption, alors que cette dernière est profondément enracinée dans la société en raison d’une culture et d’une mentalité makhzénienne qu’il est impossible de combattre sans abandonner définitivement cette mentalité autoritaire dominatrice des détenteurs du pouvoir.

Un autre facteur est les luttes internes au sein du parti depuis l’éviction de M. Benkirane de la présidence du secrétariat général, une situation que le pouvoir a exacerbée en empêchant M. Benkirane de former le gouvernement pendant six mois, en raison de son refus de se soumettre aux exigences du Palais, transmises par M. Akhannouch. Par la suite, M. El Othmani a été désigné et n’a pas hésité, avec la couverture des dirigeants du parti, à appliquer les directives sans le moindre scrupule, que Dieu lui pardonne.

Il y a aussi une autre explication, rarement mentionnée par les analystes, qui est la responsabilité des mesures injustes prises au plus haut niveau contre de nombreuses catégories vulnérables de la société dans le cadre de la lutte contre la propagation du Covid-19, notamment l’imposition de restrictions parfois arbitraires.

En outre, il y a la domination du ministère de l’Intérieur sur l’ensemble du processus électoral, rendant impossible la vérification de la véracité des résultats annoncés en l’absence des procès-verbaux de nombreux bureaux de vote et parfois même de la destruction des bulletins de vote.

À cela s’ajoute la tolérance à l’égard de l’achat de voix et de la distribution de faveurs, sans aucune intervention des autorités compétentes.

Cependant, toutes ces raisons n’exonèrent pas M. El Othmani et la direction de ce parti, sur lequel nous avions fondé de grands espoirs, de leur responsabilité. Ils ont largement contribué à ce déclin sans précédent, car ils n’ont pas pris conscience de la situation dans laquelle ils se trouvaient, avec leur secrétaire général se pliant aux désirs des hautes instances, oubliant ou feignant d’oublier que sans les voix des électeurs, il n’aurait jamais rêvé d’accéder à ce poste élevé, tout comme les membres de la direction de son parti.

Comment M. El Othmani a-t-il pu ignorer le sort de ses prédécesseurs, depuis les défunts Belafrej et Abdallah Ibrahim (cas particulier), en passant par Mohamed Benhima, Ahmed Osman, et Abdelatif Filali, jusqu’à Abdelrahmane El Youssoufi, qui a joué un rôle crucial dans la transition du pouvoir mais dont la contribution historique n’a pas été reconnue par les piliers du nouveau régime ? Tous ont été écartés de la scène politique une fois leur utilité épuisée.

Parmi toutes ces raisons et ces explications, je pense que la principale cause de ces résultats catastrophiques pour ce parti, qui est arrivé à la tête du gouvernement par une volonté populaire et sur une base religieuse, est la question de la normalisation avec Israël. M. El Othmani et plusieurs membres du secrétariat général y ont adhéré de manière humiliante, en contradiction avec leurs principes, leurs engagements et les sentiments de la grande majorité de la société marocaine, y compris une grande partie des membres de leur propre parti et de leurs sympathisants issus de différents partis et courants politiques.

Sinon, comment expliquer le très faible nombre de voix exprimées en leur faveur lors de ces élections, même si la fraude avait atteint son paroxysme, un nombre qui ne correspond même pas à celui de la base électorale traditionnelle de leur parti et de leurs partisans ?

Certains diront que la normalisation a été acceptée par la majorité des Marocains et qu’elle ne peut avoir eu un impact aussi fort sur les électeurs. Cependant, cette opinion exprimée par certains analystes ne repose pas sur des données concrètes issues de sondages d’opinion, qui confirment ou infirment cette hypothèse.

En l’absence de possibilité d’utiliser ces outils scientifiques pour sonder l’opinion, bien que garantis par la Constitution en matière de droit d’accès à l’information, je pense que la plupart des Marocains n’ont accepté la normalisation qu’à contrecœur, et que leur conscience vive à l’égard de la cause palestinienne est restée enflammée, même inconsciemment. Dès qu’ils ont pu exprimer leur colère et leur mécontentement, ils n’ont pas hésité à punir ceux qui ont participé à cette « trahison », en particulier M. El Othmani et la direction de son parti, d’une manière humiliante.

M. El Othmani, même s’il voyait un intérêt national dans cet accord, aurait dû éviter de signer personnellement ce document infâme qui accepte la plupart des « conditions de l’accord du siècle », y compris l’abandon de la revendication de Jérusalem comme capitale de la Palestine, des frontières de 1967 et du droit au retour. Il aurait pu proposer, par exemple, que M. Bourita signe à sa place, justifiant sa position par le fait qu’on lui avait demandé, peu de temps auparavant, de déclarer le contraire de ce qu’il allait signer. Je ne pense pas que cette position de sa part aurait empêché la conclusion de cet accord, déjà négocié en dehors des rouages du gouvernement.

Cela aurait été « le moindre mal », où nous aurions pu comprendre sa décision de ne pas démissionner, car il aurait agi « pour le bien du pays », et non par attachement à son poste.

Ce déclin retentissant de ce parti à référentiel islamique, auquel un grand nombre d’électeurs avaient accordé leur confiance lors des deux précédentes élections, au moins pour son adhésion aux principes de moralité et de vertu, que les gouvernements précédents, qu’ils soient de gauche ou laïques, n’avaient pas respectés, est principalement dû à ce comportement immoral, indépendamment de leur soutien ou non à cet accord.

Cela a été un coup de poignard dans le dos de M. El Othmani, détruisant ce qui restait de sa crédibilité, lorsqu’il a été amené à déclarer publiquement que la position du Maroc, de son roi, de son gouvernement et de son peuple, était contre la normalisation, pour ensuite signer quelques semaines plus tard un accord reconnaissant l’opposé de ce qu’il avait affirmé, et pour lequel les Marocains l’avaient acclamé avec enthousiasme.

On se demande comment M. El Othmani, en tant que psychiatre, n’a pas pu mesurer l’impact de la contradiction entre ses positions dans cet accord sur la conscience des Marocains, y compris celle de ses partisans.

Comment M. El Othmani a-t-il pu oublier ou ignorer qu’il était parvenu à la tête du gouvernement grâce à une base électorale qui avait voté pour son parti en raison de sa référence islamique, et que le minimum attendu de lui était de respecter les principes de cette noble religion ? Où sont les valeurs morales lorsqu’il dit une chose et en fait une autre, au nom de l’intérêt du pays, selon ses dires ? C’est comme s’il se dénudait de ses principes religieux chaque fois qu’il exerçait des fonctions politiques. Pourquoi aurait-il gagné la confiance des électeurs proches du courant islamique, s’il devait agir comme les autres ?

Ce qui me peine aujourd’hui, c’est que M. El Othmani avait reçu des avertissements clairs sur les risques de se fondre dans le système de pouvoir de manière si docile, en raison des tentations qu’il présente et des pièges qu’il recèle. Dès 2007, il avait été averti de ce qui attendrait son parti s’il rejoignait le gouvernement et s’insérait dans ce système infernal qu’il prétendait vouloir réformer de l’intérieur, alors qu’il l’a au contraire séduit, brisé sa volonté et poussé à voir le mal comme un bien, acceptant les injustices, fermant les yeux sur les abus, et tolérant ceux qu’il était censé combattre, à savoir les symboles de la corruption, du monopole, de la domination et de l’enrichissement illégal.

Aujourd’hui, il paie le prix de sa soumission au makhzen et

de son abandon à sa volonté.

Imaginons si M. El Othmani et les hauts responsables de ce parti avaient suivi les suggestions qui leur avaient été faites à l’époque, afin de ne pas tomber dans le piège du pouvoir. Si ses ministres et hauts responsables s’étaient contentés de revenus financiers modestes et avaient reversé la différence de leurs salaires exorbitants et immoraux, bien que légaux, à un fonds de solidarité avec les pauvres, par exemple. S’ils avaient continué à vivre dans leurs maisons et à utiliser leurs voitures pour se rendre au travail. S’ils avaient refusé tous ces avantages attrayants qui leur étaient accordés, ils n’auraient pas été impliqués dans la mise en œuvre de décisions injustes à l’encontre des citoyens libres de ce peuple opprimé, jetés en prison pour des raisons mesquines et inventées. Et M. Benkirane, par exemple, n’aurait pas perdu ce qu’il avait de plus précieux, à savoir sa crédibilité, en acceptant cette « allocation royale » exorbitante aux yeux des pauvres de ce pays opprimé, comme si elle provenait d’un budget distinct de celui de l’État.

M. Benkirane continue de se vanter de sa défense acharnée du Palais, sans se rendre compte de ce que nos ancêtres savaient depuis des siècles : « Ne fais pas confiance au makhzen », car ce dernier peut trahir ses serviteurs les plus fidèles, même s’ils lui ont prouvé leur loyauté en tant que « serviteurs dévoués ».

Et voilà que leur parti s’effondre.

Et voilà que l’expérience de l’islam politique au pouvoir s’effrite à cause de son échec retentissant à comprendre et à évaluer la situation.

Et voilà M. El Othmani hors service, sans avenir politique ni même une vie sociale digne de ce nom.

Que cela serve de leçon à ceux qui ont la sagesse.

Idriss El Kettani

Ancien ambassadeur au Koweït.