Mission secrète : Lorsque Hassan II a chargé Mahmoud El Idrissi de transmettre son mécontentement au sujet du comportement de trois chanteuses marocaines.

Une des histoires les plus surprenantes que le regretté Mahmoud El Idrissi m’a racontées concerne une mission secrète qu’il a reçue de feu Hassan II. Le roi lui avait confié la tâche délicate de transmettre son mécontentement à trois chanteuses marocaines qui, selon lui, avaient renoncé à leur identité marocaine en choisissant de chanter exclusivement en dialecte égyptien. Ces trois artistes étaient alors invitées par le roi à participer aux festivités de la fête nationale à Marrakech.

Mahmoud El Idrissi raconte : « Sa Majesté m’a chargé d’aller à l’hôtel La Mamounia, de rejoindre l’une des chanteuses dans sa chambre, et d’y convoquer les deux autres. Une fois réunies, je devais leur transmettre le mécontentement du roi concernant leur abandon de la musique marocaine au profit du dialecte égyptien, sans leur révéler que j’étais envoyé par lui. » Il a exécuté cette mission avec discrétion, comme demandé par le roi. La réaction des chanteuses a été immédiate : deux d’entre elles ont décidé de se retirer définitivement de la scène musicale. Quant à la troisième, elle a proposé de quitter sa carrière à condition d’être compensée pour ses revenus annuels qu’elle avait estimés à un certain montant. Finalement, les deux premières ont mis fin à leur carrière, tandis que la troisième a poursuivi sa carrière en Orient, mais n’a plus jamais été autorisée à chanter en présence de Sa Majesté.

Mahmoud El Idrissi a également mentionné que, bien qu’il aurait aimé obtenir l’accord de ces chanteuses pour partager cette histoire publiquement, il ne l’a jamais fait, même dans les cercles artistiques privés. Il ajouta que Hassan II s’opposait toujours à l’idée que les créateurs marocains s’expatrient en Orient pour y adopter les cultures locales. Il se souvenait également d’une anecdote racontée par le célèbre chanteur marocain Abdelhadi Belkhayat : lors d’une rencontre en présence de Hassan II, le compositeur égyptien Mohamed Abdel Wahab avait proposé à Belkhayat de venir au Caire pour enregistrer des chansons composées par lui. Hassan II, qui était présent, avait alors murmuré à l’oreille de Belkhayat : « Et je te couperai les jambes si tu y vas. »

Cette opposition du roi reflétait son désir constant de voir les Marocains maintenir leur identité, même à l’étranger. Il était également opposé à l’idée que les Marocains de l’étranger participent aux élections locales des pays où ils résidaient, estimant qu’ils devaient rester Marocains avant tout, peu importe les autres nationalités qu’ils pourraient acquérir.

La proximité de Mahmoud El Idrissi avec Hassan II s’est renforcée au fil du temps, au point que le roi lui demandait parfois de rester après les spectacles pour chanter à nouveau des passages qui l’avaient particulièrement ému, notamment un couplet d’une chanson dédiée à son père, le roi Mohammed V, lorsqu’il était en exil. Ce passage était si émouvant que le roi lui demandait de le répéter à plusieurs reprises, les larmes aux yeux.

Mahmoud El Idrissi m’a également confié comment certains avaient tenté de ternir sa relation privilégiée avec Hassan II en l’accusant d’avoir vendu l’un des costumes que le roi lui avait offert. Cependant, il a pu prouver son innocence en montrant qu’il conservait précieusement ce costume chez lui.

Durant son séjour chez moi au Koweït, ma femme témoigne que malgré sa présence prolongée, il était d’une discrétion absolue, passant la plupart de son temps dans sa chambre sans se faire remarquer. Contrairement à beaucoup d’artistes, il n’a jamais fait preuve de vanité ou d’arrogance, et il ne chantait jamais ses propres chansons lors de nos soirées littéraires et musicales, à moins qu’on le lui demande. Il préférait souvent interpréter des classiques de Mohamed Abdel Wahab, tels que « Cléopâtre », « Al-Gondoul » et « An-Nahr al-Khaled », qu’il maîtrisait à la perfection.