
Al-Kettani : Mes efforts pour convaincre Faria de se rendre au Maroc
Idriss Al-Kettani, ambassadeur et conseiller économique au Brésil au début des années 1980, révèle pour la première fois à Akhbar Al-Youm des détails fascinants sur la mission que lui a confiée Hassan II pour trouver un entraîneur brésilien pour l’équipe nationale marocaine de football, ainsi que les complications qui ont accompagné cette tâche.
– Comment avez-vous agi pour convaincre Faria de venir au Maroc après avoir été choisi par le roi ?
– J’ai demandé à ma secrétaire de le retrouver une nouvelle fois, et elle a réussi, grâce à ses moyens, à localiser Faria et à le convaincre de me rendre visite à nouveau. Je me suis souvenu qu’il devait signer un contrat avec un club brésilien dans un mois, alors j’ai eu une idée : je lui ai dit : « Je pars au Maroc pour une semaine pour accomplir certaines tâches, et je vous invite à m’accompagner et à passer cette semaine en tant qu’invité du Maroc, afin que vous puissiez avoir une idée claire des conditions de travail là-bas avant de prendre votre décision finale. » Mon idée était donc de l’emmener au Maroc, même s’il n’était pas prêt à y rester plus d’une semaine.
– Faria a-t-il finalement accepté de voyager ?
– Il a accepté, mais cela a nécessité un effort considérable de la part de ma secrétaire, qui lui a beaucoup parlé du Maroc, de l’atmosphère footballistique dans le pays, et des récents succès de l’équipe nationale, notamment aux Jeux Méditerranéens.
– Votre secrétaire était-elle marocaine ou brésilienne ?
– Elle était brésilienne. Là-bas, tout le monde vit et respire le football. Elle avait environ 65 ans et était bien informée sur les événements du pays, surtout ceux liés au sport. Je pense qu’elle a joué un rôle crucial pour convaincre Faria d’accepter cette offre, même par courtoisie, bien qu’il ait été résolu à rester au Brésil, surtout qu’il revenait tout juste du Qatar. Je me demandais comment j’allais réussir à voyager avec Faria au Maroc.
– Aviez-vous rencontré un problème pour cela ?
– Bien sûr, car je savais déjà que l’ambassadeur marocain à Brasilia n’approuverait pas mon voyage, et que je rencontrerais l’opposition du ministère des Affaires étrangères, sous prétexte que cette mission sportive ne relevait pas de leurs compétences. En fait, ils ne reconnaissaient même pas cette mission. Ainsi, ils ne me fourniraient pas de billet d’avion. Une fois de plus, j’ai donc dû acheter un billet avec mes propres fonds et me contenter d’informer le ministère des Affaires étrangères que j’étais contraint de voyager avec le nouvel entraîneur au Maroc. Une fois encore, je me suis retrouvé obligé d’agir en dehors des procédures administratives pour réussir ma mission, tout en sachant que cela pourrait se faire à mes dépens.
– La même chose s’était produite lors de votre premier voyage avec Valente ?
– En effet, même lors de ce premier voyage avec Valente, j’avais couvert les frais de mon propre argent, et je n’ai jamais été remboursé jusqu’à ce jour, pour les raisons mentionnées précédemment, à savoir que le ministère des Affaires étrangères refusait de rembourser le coût des deux billets (environ 4 000 dollars), car cette mission sportive ne relevait pas de ses compétences, et le ministère de la Jeunesse et des Sports refusait de le faire parce que je n’étais pas l’un de leurs employés.
– Le ministre Semlali était-il au courant que Faria ne voulait pas venir au Maroc ?
– Bien sûr, et il partageait mon opinion sur la nécessité de le faire venir au Maroc par tous les moyens. Ensuite, s’il ne pouvait pas être convaincu de rester, il en informerait Sa Majesté et demanderait le choix d’un autre entraîneur parmi la liste.
– Que s’est-il passé ensuite ?
– Faria a accepté de voyager avec moi pour une semaine, mais cela a nécessité beaucoup d’efforts, surtout de la part de ma secrétaire qui lui a longuement parlé du Maroc et du football marocain. Le jour du départ, un samedi, je suis allé à l’aéroport après avoir informé la Fédération Royale Marocaine de Football de notre heure d’arrivée à Casablanca. Je l’ai attendu longtemps à l’aéroport, mais il n’est pas venu. J’ai dû reporter mon voyage à la semaine suivante, en espérant rattraper ce retard.
– Pourquoi a-t-il manqué le vol ?
– Non seulement il a manqué le vol, mais il n’a même pas pris la peine de me prévenir de son absence. Je suis retourné au bureau le lundi et j’ai demandé à ma secrétaire de lui demander ce qui s’était passé. Il lui a dit que sa belle-fille venait d’accoucher ce jour-là et qu’il devait rester à la clinique. Elle l’a convaincu de revenir au bureau, et je l’ai accueilli avec le sourire, cachant ma frustration face à son comportement. J’ai pensé à faire un geste positif envers lui, alors j’ai demandé à ma secrétaire de lui demander le nom de la clinique et d’envoyer un bouquet de fleurs à sa belle-fille, avec ma carte. Lorsqu’il est retourné à la clinique, il a trouvé le bouquet, et cela l’a touché. Nous avons convenu de voyager le samedi suivant, mais il n’est de nouveau pas venu à l’aéroport sans même s’excuser cette fois encore, ce qui m’a obligé à reporter le voyage une seconde fois. Ma secrétaire l’a appelé pour lui transmettre ma colère cette fois-ci, et il a répondu qu’il avait eu un rendez-vous avec son cardiologue la veille du départ, qui lui avait interdit de prendre un vol long-courrier en raison des risques pour sa santé.
Journal “Akhbar Al-Youm”, mardi 31 juillet 2018